Fort de sa riche expérience, d’un grand souci du détail et d’une passion indéfectible pour la mode, Antonio Ortega a fait ses premières armes à Mexico, puis à Paris, avant de s’établir à Montréal. Sa marque éponyme se décline en une collection haute couture, du prêt-à-porter et des projets sur-mesure.
Mr. Ortega, pouvez-vous me parler de la genèse et de l’évolution de votre griffe ?
J’ai commencé vers huit ans à toucher au milieu artistique, notamment au dessin. Je prenais des magazines de patrons en cachette, parce que de là où je viens la couture c’est pas pour les garçons... Vers 18 ans j’ai tout de même entamé une carrière en stylisme de mode. Je me suis retrouvé à Mexico chez Televisa, ce qu’on appelle le « Hollywood de l’Amérique Latine » : je crée alors des costumes pour le théâtre, les telenovelas, le cinéma, des groupes, des artistes.
Depuis toujours, mon ambition est de laisser ma trace, d’être à la source de ce qu’est la mode. Je vais donc à Paris, où j’intègre directement la troisième année de l’école de mode Chardon Savard, avant de faire un stage chez Dominique Sirop. Je rencontre les plus grands fournisseurs de tissus, les plumassiers, les brodeurs : je touche une qualité supérieure et suis témoin d’un travail artisanal vraiment pointu. Bien qu’elle puisse être élitiste, la haute-couture ne relève pas de la prétention pour moi, c’est simplement une connaissance aiguisée de son métier et de pouvoir donner le meilleur de soi-même. Être validé dans un milieu aussi réputé m’a confirmé que j’avais ce qu’il faut pour réaliser mes rêves. Enfin, si je suis ici, c’est parce que Cupidon m’a fait rencontrer un québécois! En 2004 j’ai relancé tous mes contacts. J’ai présenté depuis 10 collections, qui ont bénéficié d’une bonne couverture internationale.
Vous êtes tombé amoureux de la mode à 8 ans : qui sont les créateurs qui vous faisaient rêver à l’époque?
Je dois dire que je ne crois pas beaucoup aux icônes. Ceux et celles qui m’ont inspiré, ce n’est pas tellement au niveau du dessin ou de la création en tant que tel - parce que le goût est relatif - mais pour leur contribution à la mode. Je pense à Yves Saint-Laurent, Dior, Chanel, Balenciaga, Versace, Armani, mais aussi à des pionniers d’autres domaines comme Madonna, Walt Disney, Bill Gates.. J’admire les visionnaires, ceux qui ont rencontré le succès en développant leur propre vision et en suivant leur instinct.
Comment décririez-vous votre univers créatif, qu’est-ce qui rend votre marque unique ?
Ortega (@antonioortegacouture) peut habiller homme, femme, tout autre genre, du matin au soir.. Je n’ai jamais suivi les codes et les conventions Je suis mes critères, mon côté osé, mes envies de dessin. On reconnaît la marque à ses techniques de couleurs, le contraste des textures, le raffinement dans les matières. Ce qui est important pour moi c’est d’être authentique.
Vous "sourcez" vos tissus d’un peu partout dans le monde, avez-vous des matériaux de prédilection ?
La soie, la crêpe, les matières qui sont « liquides », difficiles à travailler mais nobles. J’adore aussi les matériaux techniques : les isolants ou imperméables, tout ce qui a des propriétés particulières.
Quelle est la place du luxe dans la mode et la culture québécoise ?
Si je le traduis comme couturier, la haute couture c’est le summum du raffinement. C’est une pièce qui implique la collaboration de plusieurs techniques artisanales, plusieurs métiers qui s’unissent pour créer une œuvre unique : il y a la broderie, la plumasserie, le tissage, le tressage, le tannage de cuir etc.
On sent une effervescence à Montréal, c’est créatif, c’est très ouvert. Toutefois, je trouve qu’il y a parfois une méconnaissance du métier. Il faut reconnaître la mode comme une carrière à part entière, une passion, une vocation. Être couturière ce n’est pas d’arriver, de se mettre à la machine à coudre et partir. Être un créateur de mode, ce n’est pas de faire ses esquisses et rentrer à la maison. Il faut revaloriser tous ces métiers, car la mode c’est la culture d’une ville, d’un pays. J’ai envie que la mode québécoise soit plus fière et plus assumée.
Dans le cadre de la Semaine Mode de Montréal, Ortega présentait une exposition de ses pièces d’archives portées par différent.e.s artistes et célébrité.e.s au courant des dernières années. Monsieur Ortega invite les lecteurs à venir voir ses collections de haute couture et de prêt-à-porter à sa nouvelle boutique, au 1853 Rue Atateken.
CRÉDITS :
Entrevue et texte par Caroline Sobral Cabana, révision par Jhan Boyer Gignac
Photo de couverture : Antonio Ortega