Marie-Josianne fait partie des 10 entrepreneur.es sélectionné.es pour la cohorte 2021 du programme En mode croissance de l'Accélérateur mmode. Marie-Josianne a fondé SegSea (@segsea_beachwear) sur un coup de tête en constatant le manque flagrant de maillots colorés et stylés pour son conjoint et ses garçons. De là est née son entreprise de maillots pour papas et fistons. SegSea déborde d'énergie, de joie de vivre et t'invite à plonger avec passion et authenticité dans l'été.
Décris-nous ton parcours qui a mené à la fondation de ton entreprise?
J'ai toujours su que j'allais être entrepreneure! Je ne savais pas où j'allais aboutir, mais je savais que c'était ma voie. Quand j'étais toute jeune, je m'amusais à m'inventer des businesses. Stations-service, ventes de garage, kiosques à journaux, tout y a passé! Je remplissais des bidons d'essence avec de l'eau, je m'installais sur le bord de la rue et je faisais semblant de rouler ma propre station-service!
En 2001, j'ai dû rechercher un emploi plus stable. Je me suis retrouvée dans le domaine des assurances et j'ai travaillé 15 ans pour le Mouvement Desjardins. Ça coïncidait parfaitement avec le début de ma vie d'adulte et ma réalité à l'époque qui me demandait une stabilité plus importante avec ma famille qui prenait forme et l'acquisition d'une nouvelle maison. Le revenu stable était un réel atout pour ma situation et c'est probablement la raison pour laquelle je suis restée là toutes ces années! À la fin de ma carrière chez Desjardins, après avoir gravi les échelons et progressé dans l'entreprise, j'étais rendue au développement des affaires en assurances des entreprises. Je côtoyais des nouvelles entreprises quotidiennement et ça venait réveiller l'instinct d'entrepreneure qui avait toujours sommeillé en moi. Graduellement, j'ai commencé à sentir que je n'étais plus sur mon X, moins heureuse et accomplie dans mon poste. L'intrapreneuriat, ce n'était plus suffisant, j'avais besoin de plus.
Je parlais de tout ça à une amie à l'époque qui m'avait rapidement proposé d'ouvrir une boutique mode, car elle s'y intéressait déjà et dessinait des maillots pour d'autres compagnies. Elle faisait appel à mes compétences au niveau du développement des affaires et dans le démarrage de l'entreprise, puisque j'avais une expertise plus poussée pour tenir les affaires et elle se réservait le rôle de designer. Aussitôt qu'elle m'en a parlé, j'ai senti que c'était exactement ce dont j'avais envie, ce que je recherchais. L'idée de se spécialiser dans le maillot de bain pour hommes est venue l'été même quand je magasinais des maillots pour mon conjoint. Je trouvais qu'il manquait de couleurs et de confort au niveau des maillots plus courts et plus fashion pour hommes. On venait de trouver notre idée, on n'a pas eu besoin de pousser plus loin la réflexion, car c'était tellement logique et naturel!
Je l'ai senti immédiatement que c'était cette idée qui allait fonctionner et me faire vibrer pour les années à venir. J'étais déjà passionnée! J'y pensais en me couchant, en me réveillant, j'y rêvais même la nuit! Je me suis donc rapidement lancée sur le plan d'affaires, j'étais très motivée puis finalement mon associée a décidé de se retirer du projet, car sa famille était jeune. Ce n'était pas le bon timing pour elle à ce moment-là, c'était beaucoup plus prenant que ce qu'elle imaginait. Même si je n'avais pas les études en design, j'ai décidé de poursuivre par moi-même, je suis devenue autodidacte, je me suis entourée, j'ai engagé des designers seniors qui m'ont appris à faire un tech pack et des séances de fitting. J'ai engagé des patronnistes qui m'ont montré à réaliser des patrons. Plutôt que de retourner aux études, j'ai appris le métier en privé avec des professionnels que j'ai engagés! Je n'ai pas le diplôme, mais après toutes ces années, je me considère quand même designer!
Après 4-5 ans de vie pour SegSea, je suis toujours aussi passionnée par mon travail et je suis tellement fière d'avoir sauté dans le vide et d'avoir pris des risques! Je trouve que ça reflète énormément notre mode de vie familial, on est toujours dehors en maillots de bain, donc ça me prouve que j'ai fait le bon choix.
Comment ton entreprise se différencie-t-elle des autres dans le même domaine?
J'ai longtemps affirmé que ma marque se démarquait par le confort du produit et l'écoresponsabilité qui s'y rattachent, car je m'assure depuis le début de choisir un matériel qui est extensible sur les 4 côtés pour assurer un maximum de confort et je travaille aussi avec un tissu conçu à partir de bouteilles de plastique récupérées en mer. L'aspect papa-fiston (twinning) qui est mis de l'avant est aussi un aspect différentiateur important, car on n'en voit pas beaucoup au Québec, surtout pas dans le maillot. Mais au-delà de tout ça, ce qui me distingue davantage, c'est la personnalité de mes maillots qui sont à l'image de notre peuple québécois. Ils reflètent notre joie de vivre et notre entrain avec leurs couleurs éclatantes et vives.
Lorsque tu penses à ton entreprise, quelle est ta plus grande source de fierté?
Être parvenue à faire le design moi-même représente une immense source de fierté. Au début, j'avais le sentiment de l'imposteur, je n'osais jamais me présenter en tant que designer, car je n'avais pas le papier qui le prouvait, mais plutôt comme fondatrice ou entrepreneure. Alors qu'aujourd'hui, c'est bien différent, j'arrive à tout faire par moi-même et quand on me présente comme designer, je l'assume complètement! Ça me remplit de fierté d'avoir été en mesure d'aller chercher les compétences pour y arriver en m'entourant comme il faut.
Quels sont les plus grands défis de ta croissance?
On dit souvent qu'une entreprise peut s'étouffer et qu'il faut y aller par étapes. Ma croissance est graduelle et je l'assume. Je trouve même que c'est bien, car je rencontre, encore à ce jour, plusieurs défis au niveau de la fabrication par exemple. Au niveau de la fiabilité des sous-traitants, surtout avec la pandémie qui a causé des délais importants auprès de plusieurs d'entre eux. Avec la fabrication outre-mer, le défi quotidien est de s'assurer que le manufacturier puisse me supporter adéquatement et on apprend rapidement à avoir des plans B,C,D,E! On ne sait jamais ce qui peut arriver, donc on doit être capable de réagir rapidement et avoir déjà une autre relation d'entamée pour rebondir et faire produire dans les plus brefs délais!
Depuis quelque temps, je travaille avec de plus gros franchisés qui achètent mes maillots, donc je n'ai pas du tout envie de devoir annuler des commandes à cause de pépins quelconques ou des retards de production. Ça peut être fatal pour une jeune entreprise en croissance qui doit encore faire ses preuves et livrer la marchandise.
C'est grâce aux missions commerciales mmode et à d'autres visites dans des salons que j'ai réussi à développer mon réseau de manufacturiers. J'essaie le plus souvent possible de faire du développement avec des fabricants situés sur différents continents. De cette façon, je m'assure d'avoir toujours des plans B si une catastrophe affecte seulement une partie du monde. C'est une stratégie qui est vraiment gagnante pour moi et en même temps, je ne prends rien pour acquis. Chaque année, le travail avec les collaborateurs recommence, il faut faire les bons choix et savoir qui est là pour rester et nous accompagner dans nos commandes. Ça demande beaucoup de tact et de délicatesse. J'arrive à un moment clé de ma croissance où je pourrai séparer ma production et donc faire affaire avec 2-3 manufactures en même temps et en permanence.
Quel est le meilleur conseil qu'on t'ait donné?
De bien m'entourer et de ne pas me gêner pour aller cogner aux portes. Je n'hésite pas à poser des questions à mes collègues du domaine et recueillir de l'info très précieuse pour une problématique précise par exemple.
Pour avoir des contacts et développer son réseau, faire partie d'un organisme comme mmode, ça aide énormément. Quand j'ai voulu déposer ma marque, je devais trouver un cabinet spécialisé et j'ai fait appel à mon réseau pour avoir des références fiables. Mmode m'a permis de rencontrer des présidents d'entreprises sans qui je n'aurais jamais réussi à percer autant le marché et qui m'ont donné une chance dans leurs bannières. Morale de l'histoire, le réseautage, c'est très puissant!
Parfois quand on démarre une entreprise, on n'ose pas parler de notre idée à qui que ce soit par peur de se la faire voler. Au contraire, j'ai tellement reçu d'aide, de bons trucs et de références en m'ouvrant sur mon projet. Donc au final, si j'avais moi aussi deux conseils à donner, ce serait d'en parler et de bien s'entourer!
Que recherches-tu dans l'Accélérateur?
J'avais un grand besoin d'une vision extérieure sur ce que je fais. J'avais besoin de me rassurer sur le chemin que j'emprunte avec mon entreprise. Quand on est trop collé sur l'écorce, c'est impossible de voir l'arbre dans son ensemble! C'est aussi un domaine qui est relativement nouveau pour moi, autant en tant qu'entrepreneure que designer, donc avoir un regard extérieur qui allait me donner un portrait global me semblait très bénéfique et un énorme plus. Une personne qui allait pouvoir me donner des recommandations sans gêne et me challenger sans retenue. À date, je suis très satisfaite de tous les coachs que j'ai rencontrés, ils m'ont tous déjà beaucoup apporté.
À court terme, c'est sûr que j'aimerais beaucoup prendre de l'expansion aux États-Unis. J'aimerais déjouer les enjeux de saisons qui sont propres au Québec, car on sait bien que les maillots ici, ça dure 2-3 mois par année seulement. Oui, il y a l'été évidemment et la saison des voyages, mais je trouve qu'elle n'est pas aussi rentable que l'été. Donc, je commencerais mon exportation vers le pays chaud le plus proche de nous, les États-Unis, et c'est un deuxième pas qui me semble tout à fait logique!
Le projet qui a été mis sur pause à cause de la COVID-19 et que tu as très hâte de concrétiser.
Avec les voyages qui étaient sur pause, j'ai eu un automne et un hiver beaucoup plus tranquilles. J'ai très hâte qu'ils reprennent, ça me permettra d'avoir du rendement à l'année longue plutôt que d'être condensé sur une période précise de l'année.
Ça facilitera aussi mon développement des affaires aux États-Unis. Techniquement, j'aurais pu le faire, car les voyages d'affaires n'ont pas cessé, mais j'ai préféré attendre et ne pas en faire subir tous les contrecoups à ma famille.
La question qu'on ne t'a jamais posée et à laquelle tu aimerais répondre.
C'est plutôt une question à laquelle j'aimerais avoir la chance de répondre davantage. Surtout suite à mon passage à l'émission Dans l'oeil du dragon, c'est une question que j'ai abordée et qui a suscité plusieurs réactions, car au montage final, ma réponse a été coupée. Je tenais donc à clarifier le tout.
Initialement, SegSea était fabriqué au Québec, c'était important pour moi de faire faire mes maillots ici et ce l'est toujours. Toutefois, je me suis butée à plusieurs refus consécutifs de la part des manufactures locales donc je n'ai pas eu le choix de faire autrement. J'ai dû composer avec ce problème persistant : une manufacture qui se retire du projet, car mes quantités étaient trop petites à l'époque, et d'autres qui refusent en raison de la complexité plus poussée de mon produit (poches, oeillets, zipper, etc.). Je continuais mes recherches, mais ça n'aboutissait pas. Je me suis retrouvée au pied du mur, soit je mettais la clé dans la porte et je voyais mon projet mourir ou j'optais pour la fabrication outre-mer. J'ai donc tenté la deuxième option en me lançant avec une manufacture en Thaïlande que j'avais trouvée dans un salon et qui m'avait beaucoup impressionnée, car elle proposait des solutions écoresponsables. Ils travaillaient avec des sous-traitants qui me permettaient de fabriquer mon propre tissu et ils offraient des fibres Repreve. C'est une manufacture qui était aussi socio-responsable, donc les conditions de travail des employés étaient similaires à celles du Québec. Ce n'est pas la question du coût qui m'a poussé à aller à l'étranger, car au final, mes coûts sont restés sensiblement pareils en faisant fabriquer ailleurs. Je paye en dollars US, j'ai des frais de transport et des taxes de douanes, donc les économies sont minimes. J'ai vraiment opté pour cette manufacture, car j'adhérais à leurs valeurs éthiques complètement alignées avec les miennes.
On pourrait croire que je pollue davantage en faisant fabriquer ailleurs, mais ce n'est pas le cas. Maintenant mes maillots arrivent en une seule expédition, alors qu'avant je faisais venir par bateau mon tissu, une autre livraison pour les zippers, une autre pour les cordons et une autre pour les oeillets. Il ne faut donc pas penser que ce choix de fabrication à l'extérieur représente nécessairement un enjeu sur le plan environnemental et social, au contraire. Oui, mes maillots sont faits ailleurs, mais tout le reste de mes opérations sont réalisées ici, donc je contribue en très grande partie à l'économie locale en payant mes taxes et en employant du personnel pour toutes les autres étapes de la chaîne de valeur (entreposage, manutention, sous-traitants, marketing, comptabilité, services juridiques, etc.).
Mon rêve le plus cher serait de ramener ma production ici, mais honnêtement, je n'ai pas encore trouvé la bonne manufacture pour m'accompagner. Je viens de solidifier mes rapports avec mes fabricants en Thaïlande et tout se passe pour le mieux avec eux. Il y a une confiance qui s'installe, donc j'ai l'intention de poursuivre cette collaboration, mais je garde toujours une porte ouverte pour un éventuel retour de ma fabrication au Québec.
Moi, j'ai travaillé davantage pendant la pandémie! J'avais un autre emploi en plus de mon entreprise, avant la crise, pour m'assurer un revenu supplémentaire. Mais pendant la pandémie, j'ai décidé de me consacrer entièrement à SegSea, donc je suis devenue moins ménagère! Moins de visite, moins de ménage ;)
Il y a aussi tout le réaménagement de ma cour qui y est passé pendant la pandémie! Donc un peu de rénos de mon côté pour pouvoir recevoir encore mieux mes invités une fois que tout ça sera derrière nous! :D
Quel podcast consommes-tu religieusement?
J'aime beaucoup les podcasts entrepreneuriaux! J'en écoute toujours un quand je me déplace. Ceux que je suis depuis le début, Les Dérangeants et le podcast Se tirer d'affaires de la Banque Nationale.
Sucré ou salé?
Les deux!
Matin ou soir?
Les deux!
Je ne dors pas beaucoup (genre 6h et moins par nuit!), je suis celle qui se couche très tard et toujours la première levée! Je travaille souvent la nuit aussi, ce n'est pas la meilleure habitude, mais puisque ma manufacture est en Asie, les communications sont beaucoup plus faciles quand c'est la nuit ici!
Ville ou campagne?
Les deux!
J'habite à la campagne, mais je me sens très bien en ville! En famille, on aime beaucoup aller se promener à Montréal, faire des virées dans la Petite-Italie et manger, on se sent en voyage!
Le premier mot qui te vient en tête si on te dit mode montréalaise
mmode!
Sans blague, je pense sérieusement que mmode est un pilier archi important pour toutes les entreprises de l'industrie. Quand j'ai démarré ma business, c'est vers mmode que je me suis tournée en premier et c'est grâce à vous que j'ai élargi énormément mon réseau dans le domaine. On m'a accueilli à bras ouverts, je ne me suis jamais sentie comme un imposteur et on m'a présenté des leaders (François Roberge!) dans mon secteur dès le début! Le pouvoir du maillage que la Grappe nous offre est impressionnant.
EN BREF
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Entrepreneure : Marie-Josianne Seguin (SegSea)
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Mentor : Frédérik Guérin (Club Tissus)
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Site web : segsea.com
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Instagram : @segsea_beachwear
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Facebook : @segseabeachwear
CRÉDITS
Photo de couverture : Nico (@lifebynicolas)
Portrait : Sonia Guertin (@soniaguertin.photo)
Texte : Marie-Josianne Seguin, édité par Jhan Boyer Gignac et Catherine L'Écuyer