Et si tous nos pulls étaient tricotés à Montréal?

Si vous achetez une pièce d’un créateur québécois et que l’étiquette indique «tricoté à Montréal», c’est probablement Lysanne Latulippe qui l’a fabriquée depuis son atelier dans Rosemont. 

Experte des mailles, designer et co-fondatrice de la compagnie String Theory, Lysanne collabore avec une foule de petites à moyennes entreprises désireuses de produire leurs tricots localement. Denis Gagnon, Philippe Dubuc, Marie Saint Pierre, Odeyalo, Betina Lou, Heirloom Hats, Elisa C-Rossow et Anfibio, sa liste de clients (passés et actuels) est particulièrement impressionnante. 

Lysanne Latulippe porte son Masque Adulte

Extrêmement en demande (visiblement), sa popularité s’explique en deux temps. Premièrement, par son expertise du tricot industriel—un savoir-faire rarissime au Québec qu’elle a d’abord acquis aux côtés d’un mentor et qu’elle a ensuite perfectionné par elle-même. Aujourd’hui, elle cumule plus de 20 ans d’expérience.

L’autre particularité qui la rend si sollicitée? Son arsenal de machines industrielles high-tech—et extrêmement onéreuses!—qu’elle manie comme une magicienne des mailles depuis huit ans. Tuques, chandails, robes, masques, il n’y a rien qu’elle ne puisse pas faire. 


 Lysanne à l'oeuvre

 

Demande croissante, main-d’oeuvre décroissante

Lysanne, pratiquement une espèce en voie d’extinction, doit refuser des clients tellement son calendrier est chargé. «Quelqu’un avec mon expertise qui offre ce volume de production, il n’y en a pas», confie-t-elle. Avant d’ajouter que «toutes les usines de tricot que je connaissais ont fermé au cours des dernières années». 

Cette résurgence pour le «tricoté ici» sans la main-d’oeuvre pour répondre à l’appel, Kristell Geffroy y a goûté lorsqu’elle a lancé SWENN en 2018. Inspirée par le vestiaire marin traditionnel, sa ligne se devait d’avoir une sélection de pulls. Mais quand est venu le temps de trouver un sous-traitant local, l’entrepreneure a dû pagayer à contre-courant. 

Le chandail zippé noir 100% laine de mérinos de SWENN

«J’ai tellement galéré pour trouver! Ce n’est pas comme s’il y avait un répertoire des usines de tricot», partage Kristell. Après de multiples appels téléphoniques, maintes recherches internet et beaucoup de bouche à oreille, elle a finalement déniché la perle rare à une heure de Montréal.

Ironiquement, maintenant qu’elle a l’inventaire entre les mains, ce ne sont pas les fans de ses chandails en laine de mérinos qui manquent. «Il y a une grande communauté de gens adeptes de ce type de produits—des chandails intemporels et durables aux propriétés thermorégulatrices», dit-elle. Encore une fois, la demande semble avoir quelques milles d’avance sur la main-d’oeuvre.

 Le chandail court bleu Monaco 100% laine de mérinos de SWENN

 

Modèles hybrides: tricoter ici et là-bas

D’autres marques, quant à elles, choisissent plutôt l’approche hybride et vont où l’expertise les mène. C’est le cas de Vallier, une marque montréalaise qui fait tricoter ses tuques et ses foulards à Montréal et ses vêtements prêt-à-porter en Chine, par un fabricant réputé pour son savoir-faire avec la laine mérinos. 

La tuque Sillery unisexe blanc cassé de Vallier

«Il y a définitivement une rareté au niveau de la main d’oeuvre, ce qui peut rendre la recherche de fabricants locaux capables de produire à grande échelle un peu difficile», partage Simon Pelletier-Marcotte, chef de produit chez Vallier. «Mais on reste toujours à l’affût de partenaire de chez nous».

En plus d’encourager l’économie locale, les avantages de produire localement s’avèrent nombreux. «C’est plus facile de se rencontrer pour échanger et travailler ensemble afin de développer le meilleur produit possible», explique Simon. Sans parler d’une empreinte carbone réduite grâce à la proximité qui, à son tour, réduit aussi les délais de livraison. 

 Le foulard Limoilou unisexe gris mixte de Vallier

 

Le secret : former la relève

Des gens qui veulent acheter local. Des températures nordiques qui nous forcent à porter des chandails chauds six mois par année. Ne devrions-nous pas être de facto des pros du tricot?  

Théoriquement, oui. Mais tant que l’éducation et que la main-d’oeuvre ne suivront pas, ce sera un pari difficile à relever souligne Lysanne Latulippe. «Il n’y a pas de formation spécifique dans les écoles de mode», explique-t-elle. Comparativement aux États-Unis, dit-elle, où certaines universités offrent des programmes spécialisés en design de tricot et l’accès à des tricoteuses industrielles, fruits de partenariats bien pensés avec les fabricants desdites machines. 

Si la demande pour le «tricoté ici» continue de grandir, tant au niveau des marques que du consommateur, l’occasion de relancer une partie de notre production locale nous sera pratiquement présentée sur un plateau d’argent. Reste à voir qui sera là pour relever le défi et saisir l’opportunité!

 

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Un texte de Joëlle Paquette édité par Catherine pour #mtlstyle